Ce que le COVID-19 m'apprend : Elsa Vogel (Royaume-Uni)

02/04/2020
Elsa Vogel

 

Elsa Vogel (94 ans) vit au Royaume-Uni et fait partie d’Initiatives et Changement depuis de nombreuses années. Elle a travaillé et vécu longuement en Amérique du Sud. La crise du COVID-19 est un défi mondial pour les personnes du monde entier et de tous horizons. Découvrez comment COVID-19 a changé sa vie quotidienne et quelles leçons elle a tirées de cette expérience.

 

Quelle est votre situation actuelle ?  Quel est l'impact de la propagation de COVID-19 sur vous ?

Je suis totalement isolée dans mon appartement qui est situé dans un immeuble pour retraité-e-s qui peuvent encore vivre de façon indépendante.

Maintenant que tous les rassemblements ont été interdits, nous devons rester dans nos propres appartements. Nous pouvons sortir pour manger, aller à la pharmacie et faire de l'exercice, ce que je fais tous les matins.


Décrivez en trois mots comment vous vous sentez maintenant.

Je me sens en paix maintenant, mais il y a quelques jours, je me rebellais contre toutes les règles et contraintes. Le calme et la paix sont revenus car je comprends la gravité de la situation comme je devais la comprendre pendant la Seconde Guerre mondiale sous l'occupation nazie pendant 5 ans. Je suis également très reconnaissante de m'être sortie vivante de cette situation.

Je me sens bien en ce moment et je suis touchée par tous les messages, en particulier ceux d'Amérique latine où mon mari et moi avons passé 40 ans avec le travail de l'Initiatives et Changement.


Quel est votre plus grand défi à l'heure actuelle ?

Ne pas voir mes ami-e-s et leur parler, surtout celles et ceux qui sont dans le bâtiment. Nous commencions tout juste à être de bon-ne-s ami-e-s avec quelques nouvelles personnes qui ont emménagé et à voir ensemble comment nous pourrions aider notre communauté à vivre ces jours d'incertitude avec un grand sentiment de paix - surtout pour laisser aller les sentiments qui se manifestent parfois entre personnes de classes et de races différentes.


Quelles sont les leçons que vous avez déjà tirées de cette période ?

Une leçon importante a été de décider de ne pas blâmer ou critiquer notre gouvernement, dont je ne suis pas spécialement fan puisqu’il nous a fait sortir d'Europe… Je vois maintenant qu'ils ont une tâche énorme à accomplir et qu'ils ont besoin de mon soutien et de mon attention.


Pratiquez-vous des moments de tranquillité ? Si oui, quelle est votre pratique et comment vous aide-t-elle ?

Oui, depuis que j'ai rencontré MRA/ IofC en 1945. C’est une technique qui m’a permis de toujours garder à l’esprit et dans mon cœur le but de ma vie. Cela m'aide aussi à recevoir une correction dont j'ai besoin. Ce que je fais pour pratiquer,, d'abord chaque matin, c’est de prendre une heure pour méditer. Une partie de cette heure est consacrée à la prière pour différent-e-s ami-e-s et une autre partie pour les pays du monde qui souffrent tant.

Le reste du temps est consacré à écouter le murmure de Dieu. Certains peuvent apporter une réelle inspiration, d'autres chuchotements sont pour s'excuser auprès d'autres personnes ou simplement pour corriger mon attitude.


Quels sont vos meilleures astuces pour combattre l'anxiété, l'incertitude et la solitude ?

Je dois être honnête : je ne me sens ni anxieuse ni seule. Naturellement, mon mari me manque, car c'était une joie d'avoir un compagnon avec lequel on peut parler de beaucoup de choses.  À propos de l'incertitude - je ne sais pas vraiment quoi dire.  Ce que j'ai appris pendant la guerre, c'est que personne ne savait quand elle se terminerait.  L'important, c'est que nous avons appris à continuer à nous occuper et à soutenir les forces de résistance et à continuer à nous occuper des familles juives. La nuit soudainement, les jeunes enfants ou les parents étaient pris par la Gestapo et envoyé-e-s dans les camps de la mort.  

En tant que guide, certaines de mes filles étaient issues de familles juives et ont vécu des moments très douloureux. Par exemple, deux sœurs ont vécu l’enlèvement de leur père pendant la nuit, qui était médecin, et jusqu'à aujourd'hui, elles n'ont jamais su où il a été emmené ni s'il est mort.  La seule chose qu'on leur a dite, c'est qu'il avait peut-être été envoyé au goulag en Sibérie pour y être médecin.  Mais ils ne savaient pas s'il était encore en vie ou s'il avait été tué. C'est une chose difficile à supporter.

Et maintenant, ici, en ce moment, nous ne savons pas combien de temps cette pandémie va durer. Nous devons juste continuer à prendre soin les uns des autres de la meilleure façon possible.


Comment pouvons-nous nous connecter avec les autres et les soutenir quand nous devons nous barricader ?

Eh bien, pour celles et ceux qui disposent de WhatsApp, d'un ordinateur et d'un smartphone, ceux-ci sont d'une grande aide et je suis reconnaissante de les avoir tous. De plus, dans mon immeuble, je rencontre certain-e-s de mes voisin-e-s quand je marche dans le couloir et c'est l'occasion de leur donner un sourire, un bonjour chaleureux et de leur demander comment ils et elles vont.


Qu'est-ce qui vous a fait rire aujourd'hui ?   

Aujourd'hui, rien ne m'a fait particulièrement rire, mais laissez-moi vous parler de jeudi soir. Il a été décidé que toute la Grande-Bretagne sortirait dans son jardin, sur le balcon ou à sa fenêtre pour applaudir très fort afin de remercier le service du NHS pour le merveilleux travail qu'il accomplit.  J'ai ri de joie en entendant tous ces applaudissements, mais ce fut aussi pour moi un moment très profond et très émouvant de voir toute la nation être ainsi unie après tant de divisions ces trois dernières années.

 

Comment aimeriez-vous sortir de cette crise ?

J'aimerais sortir de cette crise en tant que personne totalement différente, une personne qui sait ce qui est important, ce que je dois garder et ce que je dois laisser tomber. Je dois aussi devenir une personne beaucoup plus patiente. La principale chose que j'espère apprendre est l’amour et la capacité à donner des soins à des personnes, quelque chose qui n’a rien à voir avec le devoir, et même pour certaines personnes difficiles à aimer. En tant que femme de foi, j'ai toujours le sentiment que mon devoir est de me soucier des autres, mais je veux faire l'expérience de quelque chose de beaucoup plus profond, qui passe à travers mon cœur et rayonne tout autour. Et je veux trouver de nouveaux sentiments pour les personnes que j'ai peut-être du mal à aimer.

 

De quoi êtes-vous reconnaissante ?

Je suis reconnaissante pour un Père Divin très aimant qui s'est révélé à moi quand j'avais quinze ans, à une époque où j'étais très blessée et rebelle à propos de ma famille dysfonctionnelle. C'était un vrai cadeau. Et j'ai été très reconnaissante d'avoir rencontré MRA/IofC à l'âge de 19 ans. J'ai appris la philosophie de l'écoute de la voix intérieure dans votre cœur et j'ai pris au sérieux, avec difficulté parfois, le défi des normes morales absolues comme guide.

Mais j'aimerais vous en dire plus. Lorsque j'étais étudiante à Paris et pendant la lutte pour la libération de Paris de l'occupation nazie, je ne pouvais pas rentrer chez moi et je suis restée dans la famille d'un ami.  Après 3 jours sans nourriture - juste une pomme de terre chacun - mon ami et moi faisions la queue dehors en espérant obtenir des légumes. Ils ne sont jamais arrivés, mais ce qui est arrivé, c'est une petite Volkswagen avec deux soldats nazis. Un soldat est sorti et a attaqué toute la file avec une mitrailleuse. Mon ami et moi étions les derniers dans la file.  Et quand le soldat a pointé la mitrailleuse sur nous, il n'y avait plus de balles. Incroyable d'être en vie !  Nous étions les seuls à rester debout. Vous comprendrez donc que j'ai souvent un immense élan de gratitude dans mon cœur pour être en vie aujourd'hui à près de 95 ans.  

 

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