
Faire la différence face à la crise climatique, tout un art !
Par Elodie Malbois
16/02/2021
The Bards est le nom d’un réseau d'artistes qui, au sein d'Initiatives et Changement, se consacre à la cause climatique. L’été dernier, ces artistes ont participé au Dialogue de Caux sur l'environnement et la sécurité (CDES) et composé un recueil de poèmes et de musiques accompagnant les participant-e-s tout au long de leur réflexion sur les questions environnementales et les moyens de les surmonter.
« Les artistes sont particulièrement bien placé-e-s pour faire face aux défis climatiques, pour réinventer le monde et créer une nouvelle narration, » déclare Sveinung Nygaard (Sven), compositeur et musicien norvégien. C’est en participant au CDES en 2019, une édition placée sous le signe des défis climatiques, que Sven a eu l’idée de créer The Bards. Il a alors activé son réseau, et des artistes de toutes disciplines confondues se sont réuni-e-s à Londres en février 2020 pour lancer The IofC Bards.
The Bards a pour vocation de réunir des artistes « offrant un large spectre de pensée, de la créativité, de l'inspiration et, si nécessaire, une confrontation sur la vérité, la vérité étant une chose constructive ». Il n'y a pas d’attente spécifique de ce qui sera créé. L’idée derrière le groupe n’est pas d’influencer la création mais de susciter des opportunités. The Bards est convaincu qu’il n’y a pas de solution miracle pour résoudre la crise climatique, mais plutôt une multitude d'idées et d'initiatives à prendre. Le processus doit donc être organique et souple. Actuellement, ce réseau développe ses propres outils et méthodologies, et sollicite des fonds pour les mettre en œuvre.

Olena Rosstalna, directrice de théâtre ukrainienne et professeure assistante de littérature anglaise, voit dans The Bards une « pratique participative de la culture ». Ce n'est pas « l'art pour l'art », c'est de l'art engagé qui cherche à faire changer les choses et à réfléchir. ». Le processus est engagé, mais The Bards sait que ses racines se trouvent dans ses valeurs communes.
Ce n'est pas « l'art pour l'art », c'est de l'art engagé qui cherche à faire changer les choses et à réfléchir.
The Bards se décrit comme un ensemble où la collaboration, la création, la contemplation et la communication trouvent leur résonnance ». C’est cet espace qui permet aux idées de prendre forme et de se réaliser. Lors du dernier CDES, The Bards a utilisé des prismes, au sens figuré du terme, pour composer des poèmes et des morceaux de musique qui allaient aider les participant-e-s au CDES à réfléchir aux questions environnementales au cœur du débat et à trouver des moyens concrets d’apporter une solution. Pour ce faire, différents artistes ont assisté aux séances plénières en ligne et ont contribué à faire avancer la discussion en se livrant à une réflexion dans leur langage artistique. Ils ont également organisé une conférence et une méditation musicale.
L'art peut avoir un impact plus fort que les statistiques ou les arguments, affirme Olena, car il parle à un autre niveau : « Il touche vos sens, votre cœur et votre corps. Il touche votre âme pour que vous puissiez la ressentir dans sa dimension intégrale ». Sven estime que les artistes ont une responsabilité particulière. Selon lui, l'esprit de l'artiste regarde le chaos et trouve des possibilités. Il établit de nouvelles connexions. Ce qu'un artiste fait sortir de ce chaos dépend de l'artiste et des valeurs qui le guident. La vision de Sven est d'aider les autres à voir le monde sous un nouveau jour et à apporter des changements grâce à leur voix unique. Il cherche des moyens de faire ressentir aux autres ce que le monde pourrait être afin qu'ils et elles puissent agir.
Olena a pu faire l’expérience du pouvoir de l'art grâce à son théâtre pour la jeunesse. Le théâtre peut aider les jeunes à se comprendre, à devenir plus patient-e-s et à surmonter leur colère. Elle a également été témoin de son impact sur les spectateurs et spectatrices. Le théâtre d’Olena a mis en scène une pièce sur l’histoire d’un adolescent qui a beaucoup de difficulté à gérer sa colère et qui, un jour, ouvre le feu sur ses camarades de classe. Le gouvernement local lui a demandé de jouer cette pièce devant tous les élèves de la ville. Après la représentation, Olena a pris le temps de s’entretenir avec de nombreux jeunes, y compris son filleul de 13 ans, qui se reconnaissait par moment dans le personnage principal et a déclaré : « J’ai eu honte de me reconnaître par moment dans le personnage principal, et j'ai vu ce qui pourrait arriver si je ne faisais rien pour changer la situation ».
Les artistes sont particulièrement bien placé-e-s pour faire face aux défis climatiques, pour réinventer le monde et créer une nouvelle narration.
Sven est très fier des moments où sa musique a aidé les participant-e-s à changer et à se réapproprier leurs récits. Il a composé la musique du premier dessin animé des Émirats arabes unis qui cherchaient alors à aider les habitants de Dubaï, une ville jeune et à la croissance rapide, à trouver un plus grand sens de la culture et de l'identité au fur et à mesure que le nouveau et l'ancien se rencontraient.
Sven et Olena se sentent tous deux chez eux auprès d’I&C. Ils partagent en effet la même vision des choses selon laquelle le changement mondial commence par le changement personnel. Pour commencer à changer le monde, il faut dans un premier temps « aller au fond de soi-même », affirme Sven. Olena pense quant à elle que la paix intérieure est la clé de toute action : « Les jeunes sont en proie à des luttes intérieures et il leur est difficile de s'accepter tel-le-s qu’ils et elles sont. Ensuite, si vous voulez initier le changement, regardez autour de vous. Il y a tant à faire, des visites aux personnes âgées aux soins aux chats et aux chiens errants. Il suffit de regarder votre communauté, et vous trouverez un moyen d'utiliser votre énergie de manière créative, plutôt que destructrice ».
Découvrez l'oeuvre d'art Waves upon waves, crée par les Bards lors du Dialogue de Caux pour l'environnement et la sécurité 2020:
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Photos: IofC Bards
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Nick Foster devient co-directeur général d' Initiatives & Changement Suisse
09/02/2021
Nick Foster, jusqu'à présent directeur du Caux Forum, reprendra le rôle de codirecteur d'Initiatives et Changement Suisse (I&C Suisse) aux côtés de Stephanie Buri. Après avoir passé neuf ans à Initiatives et Changement (I&C) et un an au poste de codirecteur d'I&C Suisse, Rainer Gude quitte la fondation pour devenir le coordinateur exécutif de la Plateforme de Genève pour la consolidation de la paix.

« Nous sommes tristes de voir partir Rainer, mais lui souhaitons beaucoup de succès et le remercions pour tout ce qu'il a apporté à I&C Suisse », déclare Christine Beerli, présidente d'I&C Suisse. « Nous sommes cependant très heureux et heureuses que Nick ait accepté d’assumer le rôle de codirecteur, maintenant ainsi le modèle de codirection qui s'est avéré être une solution idéale en ces temps d'incertitude et de changement constant. »
Rainer a été chargé de mission pour I&C International avant de devenir responsable du Partenariat d'I&C Suisse puis, l'année dernière, codirecteur. « On ne quitte jamais vraiment I&C », déclare-t-il. « Les valeurs de l’organisation et la volonté de changer le monde en commençant par se changer soi-même peuvent être mises en pratique quel que soit le poste que l’on occupe. À mon nouveau poste, je continuerai ce que j’ai cherché à faire ces dernières années : j'essaierai de connecter, d'équiper et, je l'espère, d'inspirer chacun et chacune dans leur travail pour la paix. »
Stephanie et Rainer sont devenus codirectrice et codirecteur à un moment qui s’est avéré critique pour l’organisation et, alors que la pandémie s'installait, pour le monde entier.

« L'année 2020 a été beaucoup plus complexe que nul ne pouvait le prévoir », déclare Rainer. « J'ai beaucoup appris, mais je suis surtout reconnaissant pour toutes les rencontres enrichissantes que ce travail m'a permis de faire. Je remercie de tout cœur notre équipe, qui a donné le meilleur d'elle-même tout au long de cette année difficile, le conseil d'I&C Suisse, le réseau élargi d'I&C et nos partenaires. Vous pouvez être assuré-e-s de me revoir à Caux ou lors d'événements d'I&C. Je continuerai à être un ambassadeur d'I&C partout où j’irai. »
« Je suis très reconnaissante pour tout ce que nous avons appris avec Rainer au cours de cette année qui marquera l’histoire » déclare Stephanie. « Rainer est naturellement doué pour créer des liens et je suis extrêmement heureuse de l'opportunité que sa nouvelle nomination apporte, à lui ainsi qu'à la Genève internationale dont I&C fait partie. Je me réjouis de continuer à travailler avec Nick, notre équipe et le conseil en 2021, pour cette année spéciale qui marque le 75ème anniversaire d’I&C Suisse. »
Nick a occupé le poste de directeur du Caux Forum depuis 2012. Après avoir étudié les arts et la psychologie, il a vécu dans de nombreuses régions du monde, travaillant dans l'éducation, l'industrie, le conseil aux entreprises et le secteur des organisations à but non lucratif. Son implication avec I&C remonte aux années 1980, d'abord par le biais de « Making Britain a Home », puis par celui de « Foundations For Freedom » en Europe de l'Est et en Russie. Il apporte à l’organisation sa détermination à rendre le monde meilleur, sa connaissance approfondie du réseau I&C et son engagement à incarner les valeurs d'I&C dans sa vie et son travail.
« J'espère maintenir la connexion et l'engagement que Rainer, Stephanie et le conseil ont développés au cours d'une année de transition difficile », dit-il. « Nous avons découvert l'année dernière que les activités en ligne peuvent être riches, profondes et créer des liens, bien que nous ayons été privé-e-s de l’expérience du service et des rencontres plus informelles qui ont longtemps été associés à Caux. Il y a tant de choses à mettre en pratique de ce que nous avons appris et continuons d’apprendre. Les choses changent rapidement et nous devons y répondre, et pas seulement réagir. »
« La 'Cauxmmunauté' s’est révélée une force extraordinaire pour nous tous et toutes et pour la fondation, au cours de cette année difficile. Je me réjouis de continuer à soutenir notre réseau et Caux au travers des incertitudes qui subsistent ainsi que de renforcer nos partenariats existants pour notre travail visant à réconcilier les différences et créer la confiance. Nous fêtons cette année le 75ème anniversaire des activités d'I&C à Caux et je crois que Caux et la communauté d'I&C dans son ensemble peuvent être source d'espoir et de soutien pour le monde."
Nous souhaitons à Nick beaucoup de succès dans son nouveau rôle et nous nous réjouissons de le voir occuper la codirection !
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Autres événements


1950 - Yukika Sohma: « Le Japon peut renaître »
Par Mary Lean
05/02/2021

Le drapeau japonais flottait devant le centre de conférences lorsque 64 Japonais-e-s sont arrivé-e-s à Caux en 1950, accueillis par un chœur chantant en japonais. Ce fut un moment émouvant : au Japon, toujours sous occupation américaine, il était interdit d'arborer le drapeau national.
La délégation comprenait sept gouverneurs de préfectures, un certain nombre de membres de la Diète et les maires de quatre villes, dont Hiroshima et Nagasaki. L'une des dix femmes de la délégation était Yukika Sohma.
Yukika était la fille de Yukio Ozaki, vénéré comme le père de la démocratie parlementaire japonaise. Il avait siégé à la Diète pendant 63 ans, et avait été emprisonné pendant la Seconde Guerre mondiale pour son opposition à la guerre. Pour Yukika, les années qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale ont été vécues « dans une impression d'étouffement », car des lois avaient été adoptées pour écraser la pensée libérale. Les idées d'Initiatives & Changement (anciennement connues comme Réarmement Moral), qu'elle a rencontré à cette époque, étaient « comme une brise fraîche soufflant d'en haut alors que nous avions l'impression d'être enfermés dans d'étroites murailles ».
Yukika servait d'interprète pour la délégation, qui s'est rendue en Italie, en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Partout où ils sont passés, le maire d'Hiroshima, Shinzo Hamai, a offert aux dignitaires un cadeau de sa ville : une petite croix en bois, faite à partir du cœur d'un ancien camphrier, planté lors de la fondation de la ville en 1589. L'extérieur de l'arbre avait été détruit par l'explosion atomique, mais son cœur avait survécu.

Lors du cinquième anniversaire du largage de la bombe sur Hiroshima, la délégation se trouvait en Californie. Ils furent invités à s'exprimer sur la chaîne de radio CBS. Yukika a décrit leur séjour au centre de conférences à Caux comme « des réunions apportant des réponses et des résultats qui n'ont besoin que d'être multipliés pour construire un remède efficace aux problèmes mondiaux ». Dans une « famille de nations où les différences de race, de classe et de points de vue sont dépassées... nous avons vu et vécu la réconciliation des cœurs.... Avec ce nouvel esprit, le Japon peut renaître. »
Shinzo Hamai a également pris la parole dans la même émission, décrivant le « cauchemar » qui s'est produit dans sa ville. Il a cité des paroles qu'il avait entendues à Caux, « La paix, c'est quand les gens deviennent différents » et a déclaré : « Pour ma part, j'ai l'intention d'inaugurer cet effort en commençant à Hiroshima. Le seul rêve et le seul espoir qui reste à nos citoyens survivants est de faire de cette ville restaurée un modèle de paix ».
Nous avons vu et vécu la réconciliation des cœurs.... Avec ce nouvel esprit, le Japon peut renaître.
En 1952, Hiroshima a inauguré un mémorial aux victimes de la bombe atomique, portant l'inscription suivante : « Que toutes les âmes ici reposent en paix, car nous ne répéterons pas le mal ». À son retour de Caux, Hamai avait défendu cette formulation contre l'opposition farouche de ceux et celles qui voulaient que l'inscription condamne les États-Unis.
Yukika Sohma a consacré le reste de sa vie à encourager le Japon à reconstruire ses relations avec ses voisins. En 1979, elle a appelé tous les Japonais-e- à donner un yen pour aider les réfugiés en Asie du Sud-Est. En trois mois, elle avait récolté 120 millions de yens. L'organisation qu'elle a fondée est ensuite devenue l'Association for Aid and Relief, qui fournit une aide humanitaire et soutient le déminage. Elle en est restée présidente jusqu'à sa mort en 2008.
Découvrez également l'article écrit par Yukika Shoma en anglais: 'Apology is a key to the future'
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Regardez la vidéo du voyage de la délégation japonaise en 1950.
Découvrez cette vidéo de ABC Australia avec le journaliste Chris Mayor sur son entretien avec les maires d'Hiroshima et de Nagasaki dans le cadre de leur visite à Caux 1950. Vous pouvez également lire un article sur Chris Mayor et son entretien en 1950 ici.
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Cette histoire fait partie de notre série « 75 ans de récits » qui célèbre le 75ème anniversaire de l'I&C Suisse avec une histoire pour chaque année, de 1946 à 2021. Chaque histoire raconte comment une personne a trouvé l'inspiration et une nouvelle direction à Caux. Si vous souhaitez raconter votre histoire ou celle d'une personne que vous connaissez, merci d’envoyer vos idées par e-mail à John Bond ou Yara Zhgeib. Si vous souhaitez savoir plus sur les premières années d'Initiatives et Changement et sur le centre de conférence de Caux, cliquez ici et visitez la plateforme For A New World.
- Vidéo 1: Japanese Journey (crédit: IofC Film Archives)
- Vidéo 2: ABC Australia
- Photos: Initiatives et Changement
- Traduction/Relecture: Claire Fiaux-Martin
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1949 - Max Bladeck: Au-delà de la lutte des classes
Par Mary Lean
05/02/2021

C'est dans les années vingt, alors qu'il était encore mineur, que Max Bladeck rejoint les rangs du parti communiste allemand. A l'époque il travaille dans une mine de charbon. Il restera fidèle à son parti pendant les années hitlériennes, lorsque des dizaines de milliers de communistes sont emprisonnés ou perdent la vie. Lorsqu'il arrive au centre de conférence à Caux en 1949, ses poumons sont atteints de silicose et il ne peut plus travailler dans les mines. Il est président du comité d'entreprise de l'une des mines de sa ville, Moers, et membre de l'exécutif provincial du Parti pour la Rhénanie du Nord-Westphalie.
Max quitte Caux convaincu qu'il y a une meilleure voie vers la justice sociale que la guerre des classes. Il avait vu des capitalistes changer d'attitude et compris que le chemin de la paix mondiale passait par la transformation des "ennemis en amis". Avec d'autres communistes allemands qui avaient séjourné à Caux, il se rend au siège du parti pour leur recommander de s'intéresser de plus près aux "idées révolutionnaires" du réarmement moral.
Bladeck avait rencontré les idées d'Initiatives et Changement pour la première fois quelques mois auparavant, lorsqu'une équipe internationale était venue à Moers avec The Forgotten Factor (L'élément oublié), une pièce de théâtre sur un conflit industriel finalement résolu par des changements d'attitude chez toutes les parties. Cette visite s'inscrivait dans le cadre d'une campagne de deux ans dans la Ruhr, au cœur de l'industrie allemande du charbon et de l'acier. Cette région était vitale pour la reconstruction de l'Allemagne et constituait un terrain d'essai pour les approches marxistes et autres en matière de relations industrielles. Quelque 120 000 personnes dans la Ruhr ont vu la pièce entre 1948 et 1950.
Dans chaque ville, les acteurs et l'équipe théâtrale étaient logés chez les habitants. Max et sa femme, Grethe, avaient offert un canapé dans le salon de leur trois pièces à un jeune Norvégien, Jens Wilhelmsen. Chaque soir, les deux hommes restaient assis à parler jusque tard dans la nuit, bloqués dans un débat idéologique.
Nos points de vue idéologiques et politiques étaient encore très éloignés, mais une certaine confiance se développait entre nous.
Jens ne progressait guère jusqu'à ce qu'une pensée inattendue lui vienne dans sa méditation matinale : "Arrête de faire la leçon à Max sur tout ce qui est faux dans la cause à laquelle il a consacré sa vie. Parle-lui plutôt du problème que tu as à vivre ce que tu prêches". Ce soir-là, Jens a raconté à Max les moments où il n'avait pas réussi à vivre selon ses idéaux. À sa grande surprise, Max a commencé à réagir sur le même sujet. Jens dira : « Nos points de vue idéologiques et politiques étaient encore très éloignés, mais une certaine confiance se développait entre nous. »
Après le départ de la pièce, les militants politiques et les syndicalistes de la ville se sont réunis pour discuter des retombées de cette visite. Les communistes ont été véhéments, accusant le MRA de jouer le jeu de l'ennemi de classe. À la fin, Max a lâché une bombe: « Camarades ! Nous savons que le marxisme est la thèse et que le capitalisme est l'antithèse. Se pourrait-il que le MRA soit une synthèse ? ».
Cette proposition a été considérée comme une hérésie. Les choses n'ont fait qu'empirer lorsque Max et ses collègues sont allés à Caux. Finalement, lorsqu'ils ont mis le parti communiste au défi d'adopter l'approche du MRA, ils ont été expulsés du parti et soumis à une campagne de diffamation et de menaces. Pourtant, lorsque les élections des comités d'entreprise ont eu lieu, la plupart d'entre eux ont reçu plus de voix que jamais auparavant.
Ce schéma s'est répété dans toute la Ruhr. Entre 1948 et 1950, la part des sièges occupés par les communistes dans les comités d'entreprise du charbon et de l'acier est passée de 72 % à 25 %. L'amélioration des relations industrielles s'est reflétée dans une nouvelle loi sur la cogestion (Mitbestimmung) dans l'industrie lourde, qui donnait aux employés la moitié des sièges des conseils d'administration et confiait la gestion quotidienne de l'entreprise à trois directeurs, dont un proposé par les syndicats.
En 1950, Artur Sträter, ministre de l'économie de la Rhénanie du Nord-Westphalie, a déclaré que "l'idéologie de Caux" avait permis de briser "un grand goulot d'étranglement" dans la production de charbon en Allemagne. De nombreux facteurs ont joué un rôle dans le miracle économique de l'Allemagne d'après-guerre : les visites d'ouvriers et de patrons à Caux en ont fait partie.
Regardez la vidéo avec Max Blabeck à Caux (22'45)
Cette histoire fait partie de notre série « 75 ans de récits » qui célèbre le 75ème anniversaire de l'I&C Suisse avec une histoire pour chaque année, de 1946 à 2021. Chaque histoire raconte comment une personne a trouvé l'inspiration et une nouvelle direction à Caux. Si vous souhaitez raconter votre histoire ou celle d'une personne que vous connaissez, merci d’envoyer vos idées par e-mail à John Bond ou Yara Zhgeib. Si vous souhaitez savoir plus sur les premières années d'Initiatives et Changement et sur le centre de conférence de Caux, cliquez ici et visitez la plateforme For A New World.
- Photos: Initiatives et Changement
- Vidéo: IofC Film Archives
- Traduction/Relecture: Claire Fiaux-Martin
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1948 - Paul Misraki: Bande-son pour une nouvelle Allemagne
Par Andrew Stallybrass
04/02/2021
L'Allemagne était en ruines. L'Europe était en ruines. Des millions de personnes avaient été tuées, des millions d'autres blessées et déplacées. Sans compter les ruines morales, à l'origine d'un profond traumatisme collectif qui avait désespérément besoin d'être soigné. Durant l'été 1948, une revue musicale est créée à Caux, (la Bonne Route) ainsi qu'une exposition itinérante de photos et une brochure, «Es Muss Alles Anders Werden (Tout doit être différent)». Un fabricant de papier suédois qui se trouvait à Caux, fournit le stock nécessaire pour en imprimer un million et demi d'exemplaires.
En octobre 1948, Frank Buchman et une équipe de 260 personnes quittent Caux en bus pour l'Allemagne. Comme le dit Irène Laure, une Française qui a combattu l'occupation nazie de son pays dans la résistance : «Nous avons labouré notre chemin à travers l'Allemagne comme on laboure un champ». Cette action a été décrite comme la plus grande opération non militaire en Allemagne depuis la guerre.

Parmi tous les gens talentueux qui ont participé à ce projet novateur et stimulant il y avait Paul Misraki, un grand compositeur français de musique populaire et de musiques de films. Pendant plus de 60 ans, il a écrit la musique de 180 films pour des réalisateurs comme Jean Renoir, Claude Chabrol, Jean-Luc Godard et Orson Welles.
Né à Constantinople, dans une famille juive française d'origine italienne, il est devenu, dans les années 1930, un pianiste de jazz reconnu, un arrangeur et un auteur de chansons populaires. Il a fui la France pendant l'occupation allemande de la Seconde Guerre mondiale et s'est retrouvé à Hollywood. À Caux, Misraki a composé un certain nombre de chansons pour La Bonne Route, dont la musique de la chanson titre, sur des paroles d'Alan Thornhill, un pasteur anglais devenu auteur dramatique. (Cliquez ici pour écouter la chanson «The Good Road»)
La photo montre Paul Misraki dirigeant l'Orchestre de la Suisse Romande au Victoria Hall de Genève alors qu'ils enregistraient la bande sonore du spectacle, travail nécessaire parce qu'il n'était pas possible d'emmener un orchestre symphonique complet «sur la route» en Allemagne.

L'Allemand Peter Petersen (voir l'histoire de 1947) faisait partie de l'équipe technique du spectacle. Dans le chœur se trouvait Jacqueline Piguet-Koechlin, âgée de 19 ans. Elle et sa famille avaient été forcés de quitter l'Alsace en 1940. Dans un fascicule contenant des lettres adressées à ses parents, elle décrit avec force détails les bus qui sillonnent l'Allemagne, à travers des villes en ruines. Elle écrit : «C'est ce que j'avais voulu. Sous l'occupation, j'avais voulu que les Allemands aient leur part de souffrance. Lorsque je me suis jointe à cette entreprise et que j'ai reporté mes études universitaires d'un an, je me suis sentie fière de prendre soin de l'ennemi vaincu. Mais je ne savais pas, je ne pouvais pas imaginer une telle souffrance. Et j'ai pleuré.»
L'équipe a organisé 200 réunions et spectacles publics en 11 semaines, y compris dans 10 des 11 parlements nationaux. Dans le groupe se trouvaient deux Juifs français, dont l'un avait perdu 15, l'autre 22 membres de leur famille dans les camps de concentration nazis.
Le London News Chronicle a cité un représentant officiel du gouvernement militaire qui a déclaré : «Vous [Initiatives et Changement*] avez fait bien plus en deux jours pour montrer au peuple allemand ce qu'est la démocratie que ce que nous avons pu faire en trois ans».
Cliquez ici et écoutez la chanson "Es muss alles anders werden" (1947/48).
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- *anciennement connue sous le nom de Rearmament moral
- Photos: Initiatives et Changement
- Enregistrements audio: Initiatives et Changement
- Traduction/Relecture: Claire Fiaux-Martin
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1947 - Peter Petersen: « Toutes nos défenses se sont effondrées. »
Par Mary Lean
03/02/2021
« A cette époque, même un chien aurait refusé un morceau de pain de la main d'un Allemand», se souvient Peter Petersen, l'un des 150 Allemands que les Alliés ont autorisés à venir à Caux en 1947. Ils ont été parmi les premiers Allemands à quitter leur pays après la Seconde Guerre Mondiale. »
À leur grand étonnement, Petersen et ses compagnons ont été accueillis non pas avec répugnance mais par un chœur français qui chantait une chanson en allemand. «Nous étions déjà passés maîtres dans l'art de nous défendre lorsque nous étions accusés. Mais ici, les portes nous étaient grandes ouvertes».
Petersen a porté l'uniforme toute sa vie : d'abord dans les jeunesses hitlériennes, puis dans une école spéciale nazie et enfin dans l'armée allemande. Il avait été blessé deux semaines avant la fin de la guerre et emprisonné par les Britanniques après la guerre. Alors âgé de 21 ans, il n'avait pas de vêtements civils et est arrivé à Caux dans un costume de son grand-père, qui était à la fois trop court et trop large pour lui.

«Comme beaucoup d'Allemands, je me suis replié sur moi-même dans une attitude qui était un mélange d'apitoiement et de bravade», a déclaré Petersen plus tard. Lorsque lui et ses amis ont découvert que la secrétaire des Femmes socialistes de France et ancienne résistante, Irène Laure, allait prendre la parole à la conférence, ils se sont préparés à l'affrontement. «Nous avons dit que si elle parlait de tout ce que la France avait subi, nous aurions une chose ou deux à dire sur les Français».
Son honnêteté et sa largeur d'esprit nous ont poussés à nous regarder nous-mêmes. Nous eûmes honte de notre aveuglement.
À la stupéfaction des Allemands, Irène Laure s'est excusée publiquement auprès d'eux pour sa haine. «C'était tellement inattendu. Toutes nos défenses se sont effondrées.... Son honnêteté et sa largeur d'esprit nous ont poussés à nous regarder nous-mêmes. Nous eûmes honte de notre aveuglement.»
Après de longues discussions entre eux, et quelques nuits blanches, Petersen et ses amis sont allés parler avec Irène Laure. « Nous avons commencé à voir où nous nous étions trompés et nous le lui avons dit, parce que c'est la seule façon d'amener la guérison ».
Entre 1948 et 1951, près de 4 000 autres Allemands ont participé à des conférences à Caux. Petersen a fait partie d'un groupe de travail international d'I&C (voir notre histoire de 1948) qui a parcouru l'Allemagne au cours des cinq années suivantes, construisant des ponts entre les coeurs qui ont rendu possible la réconciliation et la reconstruction de l'Europe après la guerre.

En 1965, Peter Petersen a été élu au Bundestag allemand. Au cours de sa longue carrière politique, il n'a jamais caché son passé ni les sacrifices nécessaires pour soigner les relations avec ceux qui avaient souffert aux mains de l'Allemagne.
«Il y a deux façons de se débarrasser du passé», a-t-il déclaré. «On peut le balayer sous le tapis, mais il y a toujours le risque qu'il resurgisse ailleurs. Ou vous pouvez prendre la voie de l'honnêteté. C'est cette caractéristique de Caux qui nous a permis, à nous Allemands, de rencontrer d'autres personnes sur un pied d'égalité».

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1946 - Trudi Trüssel: « On ne peut pas construire un monde nouveau avec une seule classe sociale »
Par Andrew Stallybrass
02/02/2021
Dans une Europe dévastée par la Deuxième Guerre Mondiale, une poignée de Suisses, convaincus des possibilités d'action d'Initiatives et Changement, se mettent à la recherche d'un lieu de rencontres où puissent s'amorcer le rapprochement et la réconciliation des peuples du continent. En 1946, la Suissesse Trudi Trüssel a 28 ans et travaille à Berne, dans la famille de Philippe et Hélène Mottu, un couple lié à Initiatives et Changement. Plus tard, elle écrit :
En cherchant un centre de conférences, on découvrit l'ancien Hôtel Palace de Caux au-dessus de Montreux. Il était à l'abandon. Un jour, quelques responsables se réunirent dans notre maison pour prendre une décision définitive en vue de l'achat de cet hôtel. J'avais préparé le repas de midi pour les hôtes et j'étais en train de laver la vaisselle. L'un des invités est venu dans la cuisine et il m'a dit qu'on aimerait que je sois présente lorsqu'on déciderait de cet achat. Je répliquai qu'il ne devait rien attendre de moi et qu'il était temps que les riches fassent enfin quelque chose de valable. Je ne voulais rien savoir de cet achat. Au plus profond de moi-même, je blâmais les riches et je les tenais pour responsables du malheur de tant de gens. Je ne pouvais accepter que quelques-uns puissent avoir tout ce qu'ils voulaient sans même lever le petit doigt, tandis que d'autres devaient se tuer à la tâche. Cette injustice me remplissait d'amertume.

L'invité sortit assez secoué par mes paroles. En fait je m'étais toujours montrée assez réservée et personne ne savait ce que pensais vraiment........Il revint un moment après et me dit : « Vous avez raison, nous les riches devons faire quelque chose, mais nous ne pouvons pas le faire sans vous. On ne peut pas construire un monde nouveau avec une seule classe sociale ». Mon coeur a été touché quand il a dit : « Nous avons besoin de vous ».
Mon coeur a été touché quand il a dit : « Nous avons besoin de vous ».
Je l'ai accompagné dans le salon où trois couples étaient prêts à donner leur fortune pour acheter le Palace de Caux. De Lausanne où nous logions parfois, j'avais souvent vu le soleil couchant se refléter dans les fenêtres de ce vieil hôtel. J'y étais même allée un jour de congé, et j'avais regardé l'hôtel de l'extérieur. Il était sale et délabré. Je ne comprenais pas ce que les trois familles pouvaient avoir en tête. Ils avaient tout pour s'offrir une vie facile et confortable.

Ils firent un moment de silence pour, comme ils le disaient, chercher la direction de Dieu. Mais Dieu et moi nous ne nous entendions pas. Je n'avais jamais dit qu'Il n'existait pas, mais j'avais été tellement blessée par la vie que, tout au fond de mon coeur, j'étais convaincue que Dieu n'aimait que les riches et les bons.
Tous donc firent silence et moi aussi. Et la pensée me vint alors que je devais donner deux cents francs, c'est à dire deux mois de salaire. C'était l'argent que j'économisais pour une formation d'infirmière. Je savais que cette idée ne pouvait pas venir de moi. Je suis retournée à la cuisine pour mettre de l'ordre, mais la pensée de ces deux cents francs ne me quittait pas. Je sentais que cela pouvait être une vraie chance et que peut-être Dieu était aussi là pour moi.
Je luttais avec moi-même pendant trois jours. Je savais que si je disais oui, tout serait différent pour moi et que dorénavant je ne pourrais plus faire ce que je voulais. Au bout des trois jours j'apportai l'argent en disant que c'était pour les cartes d'invitation à l'ouverture de la première conférence de Caux. J'appris plus tard que la facture s'était élevée à exactement deux cents francs.......Je pris la responsabilité de la cuisine de Caux, un travail que j'aimais beaucoup. Il fallait tout installer, on partait de rien. Nous cuisinions au charbon. Nous avons dû apprendre la patience et à travailler avec les gens les plus divers.
Trudi faisait partie des 100 personnes et familles suisses qui ont décidé d'acheter le Caux Palace en 1946. Elle n'est jamais devenue infirmière, mais a consacré sa vie au travail d'Initiatives et Changement. Elle a vécu à Caux pendant de nombreuses années. Elle y a travaillé à la cuisine et plus tard au bureau de poste interne du Palace, et au standard téléphonique, reliant les gens à l'intérieur et à l'extérieur de Caux.
Adapté de ‘Envers et contre tout’
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Découvrez le premier rapport annuel de la fondation de Caux pour 1946.
Regardez ce film muet de nos archives sur l'ouverture du Caux Palace en 1946
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La journaliste Irene de Pous des Pays-Bas est venue à Caux comme enfant où elle a rencontré Trudi. Elle écrit:
Chaque année lorsque nous venions à Caux, Trudi Trüssel me prenait à part et me faisait la surprise de magnifiques vêtements de poupée en tricot. Elle les adaptait à la taille de ma poupée, Sjolaika.
Ils étaient de couleurs et de styles très différents. Cela enchantait l'enfant que j'étais et j'étais toujours impatiente de les montrer à mes amis. Aujourd'hui, à 35 ans, j'ai regardé toute la collection
(32 pièces) en vue de les transmettre à mes petites nièces. En les considérant avec des yeux d'adulte, je mesure mieux le temps, l'effort et le désintéressement que Trudi a mis dans leur réalisation. Ce sont de petits chefs d'oeuvre. En lisant pour la première fois l'histoire de sa vie, ce qui m'impressionne est le fait qu'après tout ce qu'elle a vécu et une enfance difficile, elle soit devenue une personne si généreuse, et particulièrement avec les enfants. J'ai acheté un très jolie boîte pour y mettre les vêtements et j'y ai ajouté l'histoire de leur créatrice. J'espère ainsi rendre honneur à la « collection Trudi ». Je suis sûre que mes nièces apprécieront.

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75 ans, 75 récits
Par Yara Zgheib
01/02/2021
« Le soleil se couche sur le lac Léman. De la terrasse d'un palace à Caux, on dirait qu'il est en feu. L'air est violet et orange. Il a aussi l’odeur de l’orange, le fruit que nous venons de peler et de partager. Nous, Libanais-e-s, Français-e-s, Suisses, Allemand-e-s, Anglais-e-s, Indien-ne-s, Marocain-e-s, Ethiopien-ne-s, Ukrainien-ne-s, et un Bob-Marley Néerlandais-Hawaïen Palestinien, joueur de guitare.
Sur une table à ma droite, deux cafés dans des tasses en porcelaine refroidissent ; deux hommes se font face. Ils viennent de la guerre. Ils faisaient la guerre il n'y a pas si longtemps. Ici, ils se passent la crème. Ici, ils doivent se parler. Ici, entre eux, du sucre, une prune, du pain. La table grince avec leurs histoires, chacune vraie et personnelle. Le passé, les blessures, les préjugés, les peurs. Je suis venue ici avec mon passé : le 25 juin 2010, naufrage d'une fille.
Je suis descendue du train de montagne avec une lourde valise bleue ; j'étais en colère, fatiguée et en deuil. J'avais 21 ans et j'avais perdu tant de choses. Je n'avais pas déjeuné, ni beaucoup dormi. Je n'avais pas d'attentes. Un étranger m'a emmenée dans un réfectoire vide et m'a offert un sandwich.
Mais mon histoire n'a rien d’extraordinaire, je ne la possède pas. Elle appartient à ce centre de conférences. Elle dure depuis 75.
Je me suis retrouvée suspendue entre les bleus du lac et le ciel. J'ai passé le reste du mois à servir des repas à des centaines de personnes. J'ai également dîné avec des rebelles, des musiciens, des étudiants, des militants, des cultivateurs de café, des prêtres, des cheikhs et une ancienne vice-présidente de son pays. J'ai plié le linge, lavé les assiettes. Pour la première fois de ma vie, j'étais en paix.
Les guerres en moi aussi se sont tues. Cet endroit m'a appris à respirer, à voir les autres et moi-même. Quand je suis partie, je me sentais si légère que j'aurais pu voler jusqu’à Montreux.
Mais mon histoire n'a rien d’extraordinaire, je ne la possède pas. Elle appartient à ce centre de conférences. Elle dure depuis 75 ans et comptabilise des centaines de milliers de trajets en train, de promenades, de discussions, de thés partagés, de conversations et de temps calmes mais porteurs d’une transformation incroyable.
Soixante-quinze ans. Soixante-quinze ans de tant d'histoires. Pour célébrer cet anniversaire, tout au long de l'année, nous partagerons les histoires qui se sont déroulées dans ce palace sur une montagne, une pour chaque année depuis 1946 et le premier rassemblement d'Initiatives et Changement ici.
Ce faisant, nous regardons devant nous et vers le haut, vers le bleu et vers les années à venir. »

Yara Zgheib est écrivaine, voyageuse et amoureuse de la nature, du jazz et de l'art. Elle est née au Liban et a des morceaux de son cœur dispersés à Paris, Londres et Boston. Elle est l'auteure de « The Girls at 17 Swann Street » et du prochain « No Land to Light On ». Elle écrit sur son blog « The non-Utilitarian » chaque semaine, sur la culture, l'art, les voyages et la philosophie. Ses essais sont de la prose, de la poésie, des réflexions sur des choses ni pratiques ni utiles, mais vraies et belles. Essentielles. Portant son autre casquette, elle consulte les gouvernements et le secteur à but non lucratif sur les stratégies de paix et de sécurité, en mettant l'accent sur la résolution des conflits, la lutte contre le terrorisme et la lutte contre l'extrémisme violent. Elle est titulaire d'une bourse Fulbright, d'un master en études de sécurité de l'université de Georgetown et d'un doctorat en affaires internationales et diplomatiques du Centre d'études diplomatiques et stratégiques des Hautes Ecoles politiques de Paris. Elle a rejoint Initiatives et Changement en 2011 et etait lorganisatrice du forum sur la Gouvernance équitable pour une meilleure sécurité humaine. Elle est également présidente du programme humansecurityX. Elle est convaincue que l'amour et les idées peuvent changer le monde. Elle aime les livres et les conversations intelligentes, le yoga tôt le matin, les promenades en soirée.
Cette histoire marque le début de notre série « 75 ans de récits » qui célèbre le 75ème anniversaire de l'I&C Suisse avec une histoire pour chaque année, de 1946 à 2021. Chaque histoire raconte comment une personne a trouvé l'inspiration et une nouvelle direction à Caux. Si vous souhaitez raconter votre histoire ou celle d'une personne que vous connaissez, merci d’envoyer vos idées par e-mail à John Bond ou Yara Zgheib
- 1946 - Trudi Trüssel: « On ne peut pas construire un monde nouveau avec une seule classe sociale »
- 1947 - Peter Petersen: « Toutes nos défenses se sont effondrées. »
- 1948 - Paul Misraki: Bande-son pour une nouvelle Allemagne
- 1949 - Max Bladeck: Au-delà de la lutte des classes
- 1950 - Yukuka Shoma: « Le Japon peut renaître »
Photo Caux Palace: Adrien Giovannelli
Traduction/Relecture: Eliane Stallybrass
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