Des bâtisseurs et bâtisseuses de la paix en devenir
Devnir un-e artisan-e de paix 2021
11/08/2021
« Je suis très heureuse d'avoir participé au cours Devenir un-e artisan-e de paix. Nous avons appris les vraies couleurs de l'islam ! » écrit Nma Dahir, 18 ans, diplômée du lycée d'Erbil, capitale de la région kurde du nord de l'Iraq. « Après avoir suivi ce cours, je suis totalement impliquée dans ce domaine et je veux en apprendre davantage pour pouvoir l'appliquer dans ma vie et l'enseigner aux autres ! »
Le cours auquel elle faisait référence faisait partie du programme du Caux Forum Online 2021. Conçu et dispensé par l'imam et présentateur britannique Ajmal Masroor, il explore de manière interactive et au rythme rapide la grande variété de références des écritures saintes de l'islam à la construction la paix.
Le contenu m'a fait réaliser à quel point il est facile pour nous de vivre nos vies en paix.
Pour Nadeem Jahangir, ingénieur en logiciel à Lahore, au Pakistan, le cours a été le meilleur auquel il ait participé. « Le formateur a été un excellent guide, enseignant que, selon la perspective islamique, l'invitation à la paix est très claire. Le contenu m'a fait réaliser à quel point il est facile pour nous de vivre nos vies en paix. »
Lorsqu'on lui a demandé ce qu'elle avait appris de ce cours, Nigar Sultana, récemment diplômée en littérature anglaise, originaire du Bangladesh, a répondu succinctement : « Premièrement, nos croyances ne font pas de nous une meilleure personne, mais notre comportement le fait. Deuxièmement, la paix ne peut être maintenue par aucune force, elle ne peut être obtenue que par la compréhension mutuelle. Et troisièmement, avant toute discussion sur la religion, nous devrions avoir une bonne connaissance de la religion. »
Nos croyances ne font pas de nous une meilleure personne, mais notre comportement le fait.
Tareq Layka, dentiste et militant pour la paix en Syrie, a relevé plusieurs éléments du cours. Premièrement, la relation tripartite qui est au cœur de l'enseignement islamique : avec Dieu, avec nous-mêmes, et avec les autres.
Deuxièmement, « l'attitude formidable et tolérante que le cours encourage et dont nous avons désespérément besoin pour tolérer nos différences et accepter les autres ». Ce point lui tenait particulièrement à cœur, lui qui avait vécu un conflit « que beaucoup de gens attribuent à l'intolérance religieuse ».
Troisièmement, « l'importance de construire la paix en nous-mêmes pour pouvoir la transmettre aux autres ». Et quatrièmement, « comment être modéré, en religion et dans la vie ». « En fin de compte, a-t-il dit, le cours m'a apporté une compréhension totalement nouvelle et complète de la vie, de la justice, de la paix et de bien d'autres choses encore ! »
Le cours m'a apporté une compréhension totalement nouvelle et complète de la vie, de la justice, de la paix et de bien d'autres choses encore !
Un participant somalien, qui a souhaité rester anonyme, a également fait une découverte : le rétablissement de la paix et la résolution des conflits sont des piliers fondamentaux des enseignements et de la pratique islamiques. Il avait pensé qu'elles étaient uniquement promues par les pays occidentaux.
Pour Nishat Aunjum, étudiante en Paix et Conflits à l'université de Dhaka, au Bangladesh, le cours a mis en lumière les causes profondes des idées fausses sur l'islam et lui a fait découvrir « la voie à suivre pour aider ma communauté à sortir des ténèbres de l'erreur et à construire une société plus éclairée ».
Le cours a définitivement élargi mon horizon sur ces questions et a contribué à mettre en lumière le fait que le changement doit se produire en nous avant toute autre personne.
Murad Elmaryami, un étudiant en médecine libyen vivant en Malaisie, a courageusement déclaré qu'il avait appris de nouvelles choses sur lui-même grâce au module « Paix intérieure » : qu'il y avait des conflits en lui qui devaient être résolus avant qu'il puisse s'occuper des préoccupations ou des problèmes de quelqu'un d'autre. Il a déclaré : « Le cours a définitivement élargi mon horizon sur ces questions et a contribué à mettre en lumière le fait que le changement doit se produire en nous avant toute autre personne. » Il a conclu que « pour atteindre cette phase de paix intérieure, je dois m'instruire davantage sur les problèmes de colère, sur le pardon et l'intelligence émotionnelle. »
Apportant un point de vue non-musulman, Taylor Garrett, citoyenne américaine et récemment diplômée d'un master en relations internationales et diplomatie de l'université de Leiden, aux Pays-Bas, a apprécié le don de l'imam Ajmal « d’inspirer les participant-e-s à repenser les valeurs fondamentales de l'islam et leur pertinence dans nos vies à tous, musulmans ou non ».
Nous sommes vraiment tous dans le même bateau !
Tous les participant-e-s ont apprécié la diversité du groupe et « l'engagement réel et authentique avec des artisan-e-s de la paix du monde entier, qui cherchent à développer la paix intérieure et extérieure dans leurs propres communautés locales », comme l'a dit Taylor.
« Nous sommes vraiment tous dans le même bateau », a-t-elle conclu.
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Rédigé par Peter Riddell, Coordinateur de Devenir un-e artisan-e de paix
Une aventure partagée entre la Suisse et l’Afrique pour une paix durable
Rencontre anniversaire : 15 ans de partenariat entre Initiatives et Changement Suisse et le DFAE suisse
11/08/2021
Cette belle rencontre virtuelle a mis à l’honneur les liens entre le Caux Forum et la Suisse à l’occasion du 75ème anniversaire de la Fondation Initiative & Changement Suisse (I&C) et 15 ans de partenariat avec le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) de Suisse.
Cette rencontre a une histoire. Les relations entre la Fondation I&C Suisse et le DFAE sont anciennes, mais se sont renforcées ces dernières années par le soutien apporté au Caux Forum par la Division Paix et droits de l’homme du DFAE.
Une série de conférences consacrées chaque été par le Caux Forum à la gouvernance équitable et la sécurité humaine, ou autour du dialogue sur l’environnement et la sécurité, illustrent ce partenariat, tout comme les activités organisées régulièrement par le DFAE dans l’enceinte de l'ancien Caux Palace qui offre son cadre propice aux activités de paix.
Cette année anniversaire permit aussi de souligner combien les activités de promotion de la paix d' I&C Suisse s’insèrent dans celles des très nombreuses institutions de la Genève internationale, gravitant autour des Nations Unies dont le siège européen est à Genève.
La rencontre fit écho à la commémoration officielle des 75 ans d'I&C Suisse qui eut lieu le 5 juillet 2021 (voir le panel de haut niveau réuni à cette date). Toutes deux témoignent des valeurs partagées autour de la promotion de la paix et de la sécurité humaine et de l’attachement de la Suisse au symbole que représente le centre de conférences d'I&C Suisse à Caux au niveau international. Un entretien de 2018 capturait déjà ce compagnonnage.
Mais le lien particulier qui a profondément uni les deux institutions au cours des ans reste avant tout un attachement partagé au continent africain, relation à laquelle cette rencontre souhaitait rendre hommage.
Le programme de cette journée s’est articulé autour de deux moments forts. D’abord un panel de trois personnalités africaines (voir plus loin), modéré par M. Rainer Gude, qui co-dirigea I&C Suisse pendant sept ans jusqu’au début de cette année. Puis une série de quatre animations participatives.
Ils avaient comme objectif de montrer comment une voie suisse (à travers un besoin de repenser la sécurité face à la violence, à travers un désir de paix et de prévention) et une voix suisse (à travers I&C Suisse et le DFAE) ont rencontré à Caux les voies et les voix de celles et ceux qui, venant du continent africain, ont voulu partager et s’engager ensemble pour « une paix durable ».
Le programme réserva aussi une place aux histoires vécues à Caux par celles et ceux qui ont gravi le flanc de la montagne après avoir parcouru les milliers de kilomètres qui la séparent du continent africain : si le rayonnement particulier de ce lieu tient peut-être à la sérénité qui se dégage de sa géographie unique qui incite à la méditation, et à cette image d’une Suisse engagée dans la défense des valeurs d’humanité, il tient surtout aux rencontres humaines qui s’y déroulent chaque année depuis près de huit décennies et qui contribuent à forger des femmes et des hommes de paix.
Enfin, l’histoire qui s’est tissée entre Caux, la Suisse et l’Afrique, a aussi permis de renforcer les liens et les réalités francophones du mouvement mondial d’Initiatives et Changement. La rencontre souligna cet aspect en se tenant en français. Elle se déroula en ligne avec, cependant, l’équipe organisatrice installée sur place à Caux. Caux était donc bien présent à son anniversaire !
Quelques points forts
La rencontre s’ouvrit par un panel intitulé : « Repenser la sécurité et prévenir la violence : une voie entre Caux, la Suisse et l’Afrique ».
Introduit par Mme Christine Beerli, Présidente d’I&C Suisse, qui insista sur l’importance mutuelle de l’écoute, et modéré par M. Rainer Gude, coordinateur exécutif de la Geneva Peacebuilding Platform, il était composé de :
- M. Abdoulaye Mohamadou, Secrétaire exécutif, Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel – CILSS, Burkina Faso
- Mme Daphrose Barampama, Femmes artisanes de Paix au Burundi, Burundi/Suisse
- Dr. Christian Pout, Président, Centre africain d’Etudes Internationales, Diplomatiques, Economiques et Stratégiques – CEIDES, Cameroun
A la première question qui leur était posée (« Quelles sont les principaux changements que vous percevez en matière de conflits et de violence et quelles mesures prendre ? »), les panélistes s’émurent tant de la banalisation de la violence que des discours de haine qui traversent nos sociétés, même si des avancées positives peuvent être signalées, comme au Burundi, par exemple.
A la deuxième question (« Qu’est-ce que Caux vous a apporté ? »), leurs yeux commencèrent à briller : rencontres exceptionnelles, place forte de méditation, importance des silences dans la construction de la paix, et lieu d’engagement personnel, de ressourcement et d’écoute. Un panéliste résuma en quatre mots la réalité de Caux : histoire, mémoire, devoir et espoir.
Les questions suivantes concernaient le rôle que Caux et la Suisse pouvaient jouer dans la promotion de la paix dans le futur. Pour les panélistes, l’appui aux acteurs de paix, tant gouvernementaux que civils et privés, nationaux ou locaux, est essentiel à leur dynamique ; il en est de même de la jeunesse qu’il est important de valoriser et soutenir dans leur besoin de participation à la vie de leur pays.
Caux et la Suisse doivent poursuivre, voire accélérer, leur engagement pour le dialogue politique et personnel, le partage, l’écoute et le suivi des actions entreprises. Il ne faut rien lâcher. Le monde a confiance dans la Suisse qui n’a pas de passé colonial, porte les valeurs de l’humanisme et qui peut, en tant qu’Etat, soutenir d’autres pays dans leur construction, tant au niveau du développement que de la médiation et de la prévention de la violence.
Les participant-e-s se sont ensuite réparti-e-s en quatre animations participatives qui se sont tenues en parallèle :
■ « L’expérience du Programme de Caux pour la paix et le leadership », animée par M. Désiré Tuyishemeze, du Burundi, qui résuma la discussion de ce groupe en soulignant l’importance de rencontrer des francophones à Caux et de se libérer de ses tensions, voire de ses haines, quand on se trouve en position de leader.
Il est beau vouloir changer le monde - mais tout changement doit commencer par soi-même.
■ « Partage de moments de nostalgie et d’inspiration pour l’avenir : ce que Caux m’a apporté », animée par M. Angelo Barampama, du Burundi, qui rapporta les témoignages de reconnaissance des participant-e-s qui sont toutes et tous parti-e-s « apaisé-e-s » de leur séjour à Caux.
Nos enfants ont été avec nous à Caux et la magie a aussi travaillé sur eux. Si on implique les enfants dans un cadre qui leur apprend à être à l'écoute d'autres personnes, cela les prépare à également devenir bâtisseur ou bâtisseuse de paix.
■ « Réflexion sur La Suisse et l’Afrique, quel rôle demain pour Caux ? », animée par Mme Stéphanie Buri, d'Initiatives et Changement Suisse, qui rapporta combien Caux joua un rôle clé en réunissant à plusieurs occasions des ressortissant-e-s d’un même pays qui se trouvaient dans l’impossibilité de se parler chez eux ou chez elles (il faudrait faire revenir ceux et celles qui sont passé-e-s par Caux pour consolider leur dialogue), et combien l’effacement des titres et fonctions des participant-e-s au Forum facilitait les rencontres et les prises de conscience personnelles.
Plus de rencontres entre personnes en conflit, plus de médiations directes. Plus d'engagement des autorités suisses dans le financement de la Fondation I&C Suisse, autorités fédérales, cantonales et locales. Nous avons ici un bel exemple d'être très décentralisé.
■ « L’expérience des Cercles de paix », animée Mme Marienne Tene Makoudem, du Cameroun, qui décrivit les résultats très concrets de ces Cercles de paix (rédaction d’un manuel, entre autres), se félicita de leur impact sur le dialogue familial et intergénérationnel, et souligna l’importance d’échanger dans une langue commune (le français en l’occurrence).
Caux a été le révélateur de l'artisanne de paix qui sommeillait en moi.
La rencontre se termina par une conclusion apportée par M. Frédéric Chavanne qui rappela l’importance de I&C Suisse et du DFAE dans le dialogue politique au Burundi, qui montra la nécessité d’être à l’écoute et d’éviter de proposer des solutions venues de l’extérieur et qui, finalement, incita Caux et la Suisse à collaborer avec d’autres pays du Nord global.
L'importance de se reconnecter le coeur et la tête - monter à Caux nous y aide, il faut donc continuer.
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Photos: Adrien Giovannelli, I&C Suisse
Une voie vers la paix et la prospérité en Afrique de l’Ouest et du centre
Dialogue de Caux pour l'environnement et la sécurité 2021
11/08/2021
Dans le cadre du partenariat qui les lie, la Fondation Initiatives et Changement Suisse (I&C) et le Département fédéral suisse des affaires étrangères (Division Paix et droits de l’homme) ont organisé un webinaire sur le thème « Susciter des solutions politiques et communautaires pour la gouvernance de la terre en Afrique de l’Ouest et du centre : une voie vers la paix et la prospérité ». Tenu le 21 juillet 2021 dans le cadre du Caux Forum Online 2021, il faisait suite à ceux du 10 juillet 2020 sur « La terre et la sécurité en Afrique au Sud du Sahara » (synthèse, vidéo) et du 2 décembre 2020 sur « La gouvernance de la terre au Sahel » (synthèse, vidéo).
Présidé par M. Luc Gnacadja (Bénin), Fondateur et président du think-tank GPS-Dev (Governance & Policies for Sustainable Development), ancien Secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (2007-2013) et ancien Ministre de l’Environnement du Bénin (2004-2007), ce webinaire a réuni plusieurs personnalités actives au cœur des préoccupations de sauvegarde de la terre et de la paix au Sahel :
- M. Boubacar Ba, Directeur du Centre d'Analyse sur la Gouvernance et la Sécurité au Sahel/ONG Éveil, Mali.
- M. Ousseyni Kalilou, coprésident du Groupe d'Intérêt Forestier (GIF), Association pour la Consolidation de la Paix Environnementale (EnPAX), Niger/Etats-Unis.
- Mme Salima Mahamoudou, Associée de recherche, Global Restoration Initiative, World Resources Institute, Washington DC, US/Niger.
- M. Abdoulaye Mohamadou, Secrétaire Exécutif du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), Burkina Faso.
Cet atelier souligna à nouveau la relation étroite qui lie les différents défis auxquels fait face l’Afrique de l’Ouest et centrale : insécurité alimentaire, pauvreté, dégradation de l'environnement, changement climatique, mauvaise gouvernance, extrémisme violent, conflits armés et conséquences encore mal connues de la pandémie Covid19.
Dans une région où la grande majorité de la population dépend de l'agriculture pluviale et du pastoralisme, une question se pose : la gouvernance de la terre peut-elle accroître l’insécurité des populations ou donner lieu, par ses succès autant que par ses échecs, à des réflexions approfondies sur les changements de politiques nécessaires à un moment où la violence extrême vise d’abord les territoires riches en ressources naturelles ? Comment travailler à la prévention de la violence ?
Dans son lancement du webinaire, M. Luc Gnacadja a rappelé que les Etats africains et la société civile avaient conjointement appuyé, par la Déclaration de Bamako de février 2019, la nécessité de réagir vigoureusement contre la dégradation des sols et les effets des changements climatiques dans le Sahel car, une gestion durable des systèmes agro-écologiques des petits agriculteurs et des pasteurs constitue la base d’une stratégie efficace pour prévenir et «… réduire les conflits liés à l’utilisation des ressources », précisait la Déclaration. Comme il existe de nombreuses pratiques de restauration des sols dans la région, une coopération régionale devient indispensable afin de stimuler la réflexion et l’action dans ce domaine et pour susciter de nouveaux espoirs.
Pour M. Boubakar Ba, la gouvernance de la terre est d’une complexité que seule une connaissance précise des conditions locales et régionales permet d’approcher efficacement. Il prend l’exemple du delta de la région de Mopti au Mali pour montrer que les déséquilibres de cohabitation des systèmes pastoraux et agricoles et les conflits fonciers qui remontent à loin dans le passé peuvent aujourd’hui être porteurs de solutions ou au contraire alimenter la violence, selon le mode de règlement qui sera adopté. Dans cette situation de convoitises territoriales et de violences armées, il préconise par expérience le dialogue avec les « nouveaux maîtres », passage obligatoire selon lui afin d’asseoir une entente consensuelle sur les modes de résolution des conflits et de gouvernance endogènes des ressources naturelles d’une part, et d’autre part, de rendre aux populations leur pratique de la terre.
M. Ousseiny Kalilou montra l’importance de la production de la gomme arabique au Sahel qui, dans des conditions de stress environnemental, peut constituer un facteur tant de mitigation du changement climatique (l’acacia contribuant à fixer les sols) que de gestion par les communautés locales des causes des conflits violents. Source de subsistance économique et ressource naturelle convoitée par les multinationales, la coopération au sein des communautés et avec les acteurs extérieurs en vue d’une régulation du secteur offre des opportunités pour la construction de la cohésion sociale autour de l’arbre acacia. Les rapports humains se trouvent ainsi au centre de cette activité même quand a cours dans des zones sous tension.
Il revint à Mme Salima Mahamadou d’aborder la restauration des terres d’un point de vue économique : toute terre a une valeur marchande et sa restauration peut engendrer aussi bien des avantages immédiats que des compétitions malsaines ou des effets induits négatifs. Quand une terre restaurée par ses locataires est convoitée par ses propriétaires, il arrive souvent qu’elle soit accaparée sans compensation adéquate et/ou que les locataires doivent quitter les lieux. Il est donc important que les accords coutumiers soient également respectés car les populations les plus fragiles (femmes et jeunes) sont les plus touchées par ces pratiques. Des plateformes de dialogue au niveau local et national sont absolument nécessaires pour rendre cohérents les programmes de restauration des terres.
Enfin, M. Abdoulaye Mohamadou brossa un vaste tableau des diverses difficultés que rencontrent les Etats à protéger, contrôler et bénéficier pleinement des immenses richesses qu’offrent les ressources naturelles du Sahel. Ce sont les zones frontalières qui préoccupent actuellement le plus les gouvernements, qui doivent aussi faire face à des systèmes juridiques difficilement juxtaposables. Cette situation nécessite impérativement une coordination régionale et une politique de dialogue nécessaire à tous les niveaux décisionnels, mais aussi avec les véritables acteurs des territoires, les communautés. Seule une mobilisation citoyenne de grande ampleur, en utilisant les technologies les plus avancées et en se fondant sur les expériences concrètes et réussies, est en mesure de répondre aux besoins. « Il faut créer d’urgence un GIEC* africain » conclut-il. (*Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.)
Au cours du débat qui suivit, les panélistes et les participant-e-s virtuel-le-s soulignèrent la nécessité d’aborder ces questions de manière très concrète et spécifique, et d’impliquer activement les communautés locales dans la recherche de solutions. Par ailleurs, ce ne sont pas tellement les conditions naturelles qui sont déterminantes, mais leur gouvernance, pour la paix et la sécurité. Ainsi donc, puisque les relations de pouvoir existent partout (dans les zones de tension tout autant qu’ailleurs), il est important de les assouplir et d’introduire le dialogue chaque fois que cela est possible : là où l’Etat est présent, là où il ne l’est pas, là où le secteur privé est actif (surtout au travers des micro, petites et moyennes entreprises), là où les structures traditionnelles fonctionnent de manière communautaire, là où les conflits menacent et là où ils ont déjà éclaté.
C’est aussi à travers cette prise de conscience du lien entre la gouvernance de la terre et les enjeux de paix ou de guerre, et une volonté d’inclure tous les acteurs concernés, que des progrès pourront être accomplis.
Toutes et tous soulignèrent ainsi que les laissés-pour-compte de la société doivent être intégrés (les jeunes et les femmes surtout), car ce sont eux qui sont ancrés dans la terre et qui la feront vivre demain, quoiqu’il arrive.
Et à partir de là, le nécessaire « passage à l’échelle » des bonnes pratiques pourra être porté par les Etats avec le soutien de tous.
Co-organisateurs
Dr. Alan Channer, spécialiste de la consolidation de la paix, de l'environnement et de la communication (Royaume-Uni / France), est l'un des organisateurs des Dialogues de Caux sur la terre et la sécurité depuis leur lancement et il a également initié en 2019 une Académie d’été sur la terre, la sécurité et le climat, en partenariat avec le Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP).
Mme Carol Mottet, Conseillère principale à la Division Paix et droits de l’homme du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) de Suisse, est responsable d’un programme de prévention de l’extrémisme violent. Les enjeux liés à la terre comptant parmi les causes profondes de la violence, ce programme contribue notamment à établir le lien entre les spécialistes de l’environnement, de la sécurité et de la paix pour une recherche de solution commune.
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Photo: Noah Elhardt via WikiCommons
Histoires de Caux en musique
Un concert avec le Caux Vintage Chorus
10/08/2021
Le deuxième événement en personne du Caux Forum Online cette année a été sur invitation et a eu lieu le 1 août 2021 dans le Hall principal du Centre de conférences et de séminaires de Caux. Le concert Histoires en Musique avec le Caux Vintage Chorus a fait partie de Journée de la Gratitude, marquant le 75ème anniversaire du centre de conférences à Caux, et la clôture du Caux Forum Online 2021.
Plus de 80 personnes – composé des familles et ami-e-s des musicien-ne-s – de la région et d’ailleurs y ont assisté. Le concert, donné par le Caux Vintage Chorus, a également été diffusé en direct à des spectateurs et des spectatrices du monde entier. Le succès a été tel que les musicien-ne-s n’ont cessé de donner des rappels, car le public, tant en ligne qu’à Caux, ne voulait pas les lâcher.
L’évènement était une initiative de la musicienne suisse Claire Martin-Fiaux, qui a souvent dirigé des chœurs et qui souhaitait ressusciter une partie de la belle musique des premières années du centre de conférence de Caux. L’évènement a débuté par la présentation d’une photo de Claire et de son frère, Jean Fiaux, alors qu’ils étaient enfants ; on les voit dans cette même salle, le 1er août 1946, avec Frank Buchman, le fondateur d’Initiatives et Changement (alors le Réarmement Moral).
Le Caux Vintage Chorus, un chœur de 14 chanteurs et de chanteuses, a chanté 11 chansons « classiques » des années 1930 à 1960, en italien, français, allemand et anglais. En raison de la pandémie, des musicien-ne-s du monde entier qui avaient prévu de se joindre à l’aventure n’ont pas pu venir chanter en Suisse. Alors, les chanteurs et les chanteuses vivant à Caux et dans les alentours ont recruté des ami-e-s, de la famille et des voisin-e-s (certains qui n’avaient jamais chanté dans un chœur auparavant), et ont commencé à répéter.
Andrew et Eliane Stallybrass, de Caux, qui travaillent tous deux avec Initiatives et Changement depuis de nombreuses années, ont présenté les chansons, en donnant un peu d’histoire et de contexte, et projetant des photos d’archives. Les paroles ont été présentées dans un programme imprimé pour les personnes présentes dans la salle, et sous forme de sous-titres pour tous ceux qui suivaient en ligne.
Il y avait trois chansons écrites par Paul Misraki, un compositeur français d'origine juive de chansons populaires et de musique de films, et des chansons saisissantes de lui au piano avec le chœur de Caux. Une autre image le montrait dirigeant l’Orchestre de la Suisse Romande au Victoria Hall de Genève, enregistrant la bande sonore du spectacle musical « The Good Road », qui a fait une tournée en Allemagne en 1948 (lire notre article ici).
Dans le public, il y avait présent deux Suissesses qui, adolescentes, avaient aidé à préparer le Caux Palace abandonné pour ses toutes premières conférences en 1946, après qu’il ait été acheté par des Suisses pour offrir « un foyer au monde ».
La chanson « When I point my finger at my neighbour » (Quand je montre du doigt mon voisin) de Cecil Broadhurst pour la comédie musicale « Jotham Valley » est probablement l’une des chansons les plus chantées du Réarmement Moral. Son message est simple : chaque fois que nous accusons ou blâmons une autre personne, nous devons nous rappeler que nous faisons peut-être partie du problème. Lorsque nous montrons quelqu’un du doigt, trois de nos doigts sont pointés vers nous.
La chanson a été interprétée lors du concert du 1er août, et a connu un tel succès qu’elle a inspiré la gaieté à certain-e-s voisin-e-s du village de Caux, qui ont passé la journée suivante à se montrer du doigt.
Ce qu'en a dit le public
« Je n’avais jamais compris auparavant les paroles de « Es muss alles anders werden », et toute la nuit j'ai imaginé cette délégation de 130 Allemands en 1947 accueillie à Caux avec ces paroles très audacieuses. »
Participant de France
« Quel grand événement ce fut. C'était merveilleux de revoir tout le monde dans le Hall. Et émouvant d'entendre ces chansons - les paroles de « Es muss alles anders werden » sont incroyables, surtout tenant en compte l'époque à laquelle elles étaient chantées ! »
Participante du Royaume-Uni
« Merci pour l'excellent spectacle d'hier, qui était à la fois instructif et très divertissant. Je dois admettre que je ne savais pas trop à quoi m'attendre, car je ne suis pas très au fait de la musique de cette époque. Mais j'ai été super impressionné, donc merci encore à toutes les personnes impliquées. »
Participant du village de Caux
« En effet, c'était une expérience FORMIDABLE de connexion à travers la musique et l'histoire ! Nous l’avons tous deux BEAUCOUP apprécié ! Nous avons même chanté avec vous ! Veuillez partager notre gratitude avec l'équipe qui a organisé l'événement ! Avoir les paroles sur l'écran était vraiment bien ! Tous les détails ont été pensés pour soigner l'expérience des personnes connectées en ligne ! Voir des gens, de vraies personnes, dans le Hall principal était aussi un signe d'espoir ! »
Participant d'Uruguay
« Quelle magnifique présentation d'histoires et de musique ! »
Participant d'Afrique du Sud
« Je tiens à vous remercier pour le brillant concert que vous avez donné à Caux. Les chants étaient si beaux et l'ensemble du spectacle si professionnel, j'ai beaucoup apprécié. Les voix solistes étaient également très bonnes. Merci pour les heures, jours et semaines de répétition que cela a dû impliquer. C'était tellement agréable de se sentir faire partie de Caux pendant une heure ou deux, même si nous en étions loin physiquement. J'ai été particulièrement ému(e) par la chanson « Es muss alles anders werden ». La mélodie et l'harmonie étaient magnifiques et les paroles faisaient chaud au cœur, en pensant aux Allemands peu après la guerre. »
Participante du Royaume-Uni
« Je ne sais pas si j’avais déjà entendu cette chanson pour l’Allemagne, ou en tout cas ça a dû être sans traduction… C’était tellement puissant et émouvant d'imaginer le moment où elle a été chantée à ce groupe – wouah ! »
Participante de Boston, USA
« Superbe ! J'ai adoré et j'ai crié à mon écran d’ordinateur pour un bis de la chanson sur l'étoile polaire, et vous m'avez entendu !!! Le mélange de l'histoire était également essentiel pour moi... vraiment très bien fait ! »
Participant de Moldavie
« La sélection des chansons, la présentation des chansons, les images partagées, les sous-titres, le chant... tout le soin apporté aux détails ! Je pense que c'était un vrai succès et je suis si heureuse que vous l'ayez fait ! »
Participante de Roumanie
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Vous avez manqué l'événement ? Regardez le replay ici !
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Écoutez un enregistrement original de « Es muss alles anders werden » de 1947/48 et découvrez les paroles. Cette chanson a été écrite à l'origine pour accueillir les premiers Allemands qui sont arrivés à Caux après la Seconde Guerre mondiale en 1947. Vous pouvez retrouver cette chanson sur la vidéo (24"15).
Terre de collines verdoyantes, Le pays de la grande mer bleue,
Pays des hauts forêts, Des sommets blancs de neige.
Terre de division, terre d’unité, Entre l’Est et l’Ouest, le lien.
Destiné à donner votre cœur, Allemagne, terre aimée de Dieu.
Une fois de plus, Ton Maître t’appelle, Père du ciel et de la terre.
Mains vides, cœurs vides, Tout doit changer.
Hier, triste et abattu, Aujourd’hui, s’élevant au-dessus,
Nouveaux cœurs, nouvelles personnes. Tout peut devenir différent.
Pays de vieilles villes magnifiques, Au cœur de l’Europe,
Tes hautes cathédrales, Toutes pointent vers le ciel.
Pays des grands maîtres anciens, La musique de Bach et la main de Dürer,
Grands penseurs, grands esprits, Allemagne, terre aimée de Dieu.
Une fois de plus, Ton Maître t’appelle, Père du ciel et de la terre.
Mains vides, cœurs vides, Tout doit changer.
Hier, triste et abattu, Aujourd’hui, s’élevant au-dessus,
Nouveaux cœurs, nouvelles personnes. Tout peut devenir différent.
(Paroles: Jörg Widmer)
- Photos par Mark Henley
- Vidéo par Visualive Productions
- Es muss alles anders werden: Initiatives et Changement